Si le bassin aux nymphéas de Monet est bien connu, il n’est pas le seul jardin de peintre célèbre. À 70 ans, le jardin Majorelle vaut le détour. Pas étonnant qu’il soit l’un des sites les plus visités de Marrakech, au Maroc.
Coupé du brouhaha de la ville, ce jardin créé par l’artiste Jacques Majorelle est une invitation à la rêverie. Avec, en trame sonore, le chant paisible de nombreux oiseaux, ses couleurs franches savamment déposées çà et là au milieu d’une végétation luxuriante, comme dans un tableau impressionniste, c’est l’endroit tout désigné pour une balade des plus photogénique. Quelque 700 000 personnes le visitent d’ailleurs chaque année.
Cet éden a été créé par le peintre orientaliste et décorateur lui-même, passionné de botanique. Il l’enrichira pendant près de 40 ans de yuccas, nénuphars, bougainvillées, palmiers et bananiers, ainsi que de plantes rares du monde entier. Jacques Majorelle était fasciné par la lumière et les paysages de Marrakech. Il a acquis ce terrain en 1927 et y a fait construire son atelier et une villa alliant architecture mauresque et style Art déco. C’est là qu’il créera ses grands décors, comme celui de l’un des plafonds du célèbre hôtel de la Mamounia.
Pendant près de quarante ans, il l’enrichira de nouvelles variétés de plantes pour en faire « un jardin impressionniste ». On s’y croirait dans un tableau peint par Matisse avec les fontaines, bassins, jets d’eau, jarres en céramique, allées, pergolas. Il place aussi un peu partout de vastes pots en terre cuite peints en jaune, vert et bleu vif. Le tout est créé et agencé comme un immense tableau vivant.
LE BLEU MAJORELLE
Le bleu outremer intense que l’on voit un peu partout dans le jardin ne passe pas inaperçu. Ce bleu auquel le peintre a donné son nom viendrait des villages de l’Atlas, où la couleur des chèches (foulards) des Touaregs est omniprésente.
Le bleu Majorelle a fait le tour du monde. On le trouve encore en peinture pour la décoration et en vernis à ongles chez Yves Saint Laurent, qui a aussi beaucoup aimé Marrakech. D’ailleurs, Yves Saint Laurent et son compagnon et mentor Pierre Bergé ont racheté le domaine en 1980. Laissé à l’abandon après la mort du peintre, il a été sauvé de la décrépitude par ses nouveaux propriétaires.
Selon Bergé, le lieu était une source d’inspiration pour le couturier : « C’est au Maroc qu’Yves a découvert la couleur et l’orientalisme, les alliances des teintes avec les foulards, les cafetans, les burnous, les ocres du ciel », a-t-il déclaré à Paris Match en 2010.
Le prix d’entrée est de 70 dirhams (environ 10 $). On doit en rajouter 30 (4 $) pour visiter le Musée berbère de Marrakech, ouvert en 2011. Mais c’est aussi un must. Il regroupe la collection personnelle du couple français passionné par l’art berbère (tapis, costumes, artisanat). La scénographie de la salle aux bijoux, surmontée d’un dôme scintillant qui rappelle un ciel étoilé du désert, est absolument sublime. On ne manquera pas non plus de visiter le MACMA, le nouveau Musée d’art et de culture de Marrakech, situé à une vingtaine de minutes à pied du jardin. Présentant plusieurs œuvres de Majorelle et d’artistes orientalistes de l’époque, c’est une excellente façon de conclure la découverte !
Extra:
Comme Claude Monet, Majorelle fut un important collectionneur de végétaux. Il finança même des expéditions botanique. Il importa des variétés rares: des plantes grasses d’Afrique du Sud, des nénuphars et lotus d’Asie, des cactus du Sud-Ouest des États-Unis. La collection de plantes grasses est unique au Maroc et a inspiré beaucoup de jardiniers de la région. En 1937 l’artiste crée un bleu outremer/cobalt à la fois intense, profond et clair qui inspire la détente : le bleu Majorelle dont le nom est resté et utilisé par des créateurs de couleur. Bergé et St-Laurent allait régulièrement à Marrakech en août, à Pâques et pendant les périodes où Yves concevait ses collections. Il dessinait aussi des pergolas, des fontaines, des allées qui, d’ailleurs, n’ont jamais été réalisées. « On passait notre vie dans le jardin…
Décédé le 1er juin 2008 à Paris, les cendres d’Yves Saint Laurent ont été dispersées dans la roseraie de la villa Oasis et un mémorial, composé d’une colonne romaine ramenée de Tanger posée sur un socle où une plaque porte son nom, a été construit dans le jardin ; les visiteurs peuvent ainsi se souvenir de lui et de son œuvre.
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