À la une Afrique Voyage

Maroc: Un trek au Sahara

maroc

Reportage à lire dans la revue Géo Plein Air novembre-décembre 2017

Marcher le long de l’Oued Drâa sur la trace des caravanes transsahariennes d’autrefois entre reg, palmeraies et vagues de sables à l’infini, c’est traverser un horizon à 360°. Partons les dunes sont belles!

Ce trek se déroule dans la vallée mythique du Drâa, dans le grand sud marocain. Là, s’ouvrent les grands espaces désertiques du Sahara (« désert » en arabe), le plus grand désert du monde, d’une superficie de 9 millions de km carrés de l’Atlantique à la vallée du Nil. Jadis terre de passage, de Marrakech à Tombouctou, de grandes caravanes aux centaines de dromadaires et chameliers, elle est traversée par l’Oued (lit de rivière) Drâa, le plus long fleuve du Maroc. Elle est toujours aujourd’hui le territoire des berbères Aït Atta, l’une des dernières tribus nomades du Sahara marocain. Ils s’y installent l’hiver en famille avec leurs troupeaux sous de grandes tentes faites de poils de dromadaire et de chèvre. Le printemps venu, ils repartent en transhumance vers les hauts pâturages du Haut Atlas.

Le lendemain matin de notre arrivée à Marrakech, un bus nous a cueilli avec nos bagages, nos litres d’eau et nos plus grandes espérances pour mettre le cap sur le village berbère de Tagourite, à 4h30 de route. Après avoir traversé le Haut Atlas et le col du Tichka, situé à 2 300 mètres d’altitude, Ouarzazate, la porte du désert, puis Zagora, la palmeraie du ksar Zaouiat Sidi Salah nous est apparue à la tombée du jour. Nos chameliers nous y attendaient de pied ferme. As-Salam Alaikum! (salutation qui signifie en arabe : « Que la paix soit sur vous »). Première surprise: notre bivouac. À l’image des caravanes transsahariennes et de celles des nomades du désert d’aujourd’hui il ne comprend que l’essentiel. Au centre d’un vaste plateau rocailleux, sont plantées les deux tentes principales, une pour le cuisinier et une autre pour les repas et les tentes à deux places pour les 11 participants que nous sommes. Notre guide et nos deux chameliers, tous trois du nom de Mohammed – le prénom de Mohammed est très répandu puisqu’il est donné au premier garçon de la famille comme Fatima à la première de la tribu – nous les ont montées pour le premier soir. Choukran! (Merci!).

Le grand départ!

Notre excitation était grande. La preuve: nous n’avons pas fermé l’œil de la nuit! Au matin, un café bien fort et des tranches de taguella, galette touareg cuite dans le sable sous les braises avec une succulente confiture de dattes furent les bienvenus. La première halte à atteindre pour débuter la randonnée se trouvait à 3 heures de marche à serpenter un désert de galets, de montagnes arides et de canyons secs. Le Sahara offre des paysages variés et le sable couvre seulement 20% de la surface. La vallée est composée d’un mélange de reg, des nappes de cailloux érodés par les vents, de palmeraies, de casbahs en terre de piset puis l’épais manteau de sable qui couvre un champ de dunes à l’infini. Le lever, comme tous les jours suivants, a sonné à 6hAM afin de partir avant 8h et profiter de la fraîcheur matinale avant que le gros soleil de midi ne nous tombe dessus! À cette heure, la température en avril peut atteindre jusqu’à 34 degrés. Le lunch et une petite sieste se déroulaient autant que possible à l’ombre d’un (rare) acacia! Le départ pour encore deux heures de marche en après-midi était fixé à 16h. Notre ballot le jour comprenait que nos affaires de la journée. Le reste, les bagages, les tentes et la bouffe étaient assurés par les dromadaires. Au Maroc il n’y a pas de chameaux mais que des dromadaires même si son maître est appelé chamelier et ils n’ont qu’une seule bosse. La jolie bête peut facilement supporter jusqu’à 40 °C de température et grâce à ses coussinets sous ses pieds elle ne s’enfonce que très peu dans le sable. Elle est capable de porter environ 300 kilos de bagages. Chargée, elle marche lentement, à une vitesse de 3 à 4 km/h, rumine, blatère… et sent très fort!! Au total, on a fait 4 jours de marche à raison d’environ 30 km par jour (soit environ 4h30 de marche le matin et 2 heures en fin d’après-midi).

Un horizon saturé de dunes

Le 2e et le 3 jour furent éblouissants. La vue du sommet des dunes nous fait complètement oublier la fatigue, les pieds endoloris, la poussière et la bouche sèche! Même notre litre d’eau devenue très chaude en fait de journée était gouleyant! La découverte des premiers grands ergs du Sahara offre une image mémorable. Le désert décline un long ruban de vagues de sable sur un horizon à 360°. C’est vraiment impressionnant. Marcher dans le sable c’est comme marcher sur une plage en chaussures. Au début, j’avais toujours cette agaçante impression que la mer allait enfin apparaître au détour de la prochaine dune. Bien sûr que non! Et c’est à partir du moment que j’ai accepté l’illusion que le désert m’a avalé tout rond (ou c’est moi qui l’ai enfin absorbé). Devant, derrière, à gauche, à droite, il n’y a qu’une plage de sable qui s’étire en courbes voluptueuses, dans un camaïeu de beige, d’écru, de terre de sienne, de couleur peau, cuir, chameau, minérale, or, blé, caramel, abricot, miel vers des lignes d’horizon suspendues dans la poussière. Dans cet environnement sec ne survit pas grand-chose sauf l’acacia et le tamarinier. « Vivre au Sahara, pour une plante, n’est pas à la portée du premier pissenlit venu : ni le perce-neige, ni l’ancolie, ni la pivoine ne s’y trouveraient à leur aise. » (Théodore Monod).

L’oasis de M’Hamid, atteint le 4e jour marque la fin de l’oued Drâa qui disparaît dans les sables du Sahara. Durant l’Antiquité, le Drâa coulait en permanence. Il se frayait un chemin et arrosait une oasis sur près de 200 km entre Agdz et M’Hamid, traversait les montagnes de l’Anti-Atlas puis allait se jeter dans l’Atlantique. Mais aujourd’hui, le manque de précipitations donne lieu à un fleuve desséché qui sinue entre les montagnes arides et rocailleuses. Seules quelques poches d’eau surgissent à certains endroits où il peut y avoir de 2 à 3 pieds d’eau. Mais il est possible de s’y tremper les pieds. La source étant l’Atlantique, l’eau est salée et c’est on ne peut plus rafraîchissant!

D’autant plus que M’Hamid est une palmeraie formée de palmiers dattiers qui maintiennent la fraîcheur. Il y en aurait 2 millions et une quinzaine de variétés dans la vallée. Le vert des palmeraies tranche de façon étonnante avec la minéralité des montagnes du Haut-Atlas. À la limite de la civilisation marocaine, le petit village de M’Hamid est à 47 km de la frontière algérienne. Il fait bon de marcher dans la palmeraie, tour à tour à dos de dromadaire et à pied. Nous avons profité de la fraîcheur jusqu’à notre dernière escale au village de Ouled Driss pour notre dernière nuit dans un campement de tentes traditionnelles berbères.

Casbahs et Ksour

Ilots d’habitation perdus dans un océan de sable, la vallée du Draâ compte une cinquantaine des casbahs et des ksour (villages fortifiés). Dans les deux derniers jours de notre pèlerinage nous en avons traversé quelques uns. Certains datent du 13e siècle comme celui de Bounou, un village fantôme aujourd’hui. Avec leurs habitations de terre, de paille et d’eau posées, ces villages ont longtemps servi de lieu de repos aux caravanes qui traversaient la vallée. Pendant des siècles, l’axe a connu une intense activité caravanière, reliant l’Afrique noire au-delà du Sahara aux ports et villes impériales du nord du Maroc. Les bêtes et chameliers pouvaient parcourir entre 1 500 et 2 000 km sur deux à trois mois de marche. Les caravanes étaient parfois colossales, avec des milliers de dromadaires transportant ambre, gomme arabique, peaux, bijoux, tissus, dattes, blé et les attaques sur cette longue traversée étaient monnaie courante. Les casbahs et les Ksour servaient aussi de sites de défense contre les pillards. À travers la palmeraie de M’Hamid, le village d’Ouled M’Hia occupé à 20% par environ 200 habitants arborent encore des fenêtres grillagées derrière lesquelles les femmes se cachaient pour observer ce qui se passaient dans les rues sans que personne ne les voie. Aujourd’hui, on voit les femmes coupant le blé ou transportant de grosses gerbes : c’est que le blé est la culture de base et constitue l’activité principale des villageois.

Entre le silence du désert et la chaleur du bivouac

Sur la crête des dunes, la magie du désert opère automatiquement. L’ambiance surnaturelle, les paysages infinis et le silence (quand il n’a pas de vent!) invite au recueillement. Il faut dire que la partie Est de l’Oued Drâa est moins fréquentée que la partie Ouest qui est empruntée par un grand nombre d’agences, de marcheurs et de véhicules tout terrain. Résultat : on n’a (presque) croisé personne! Et pas de dromadaires sauvages! Il n’y en a tout simplement pas dans le Sahara. Un tel animal se vend entre 25 000 et 30 000 dirhams (3000 et 5000 dollars) alors ils ont tous ou presque été capturés.

Après ces longues journées de marche, nous retrouvons le bivouac avec joie et gratitude. Notre cuisinier El Houssein arrivait avant nous avec les chameliers pour préparer des plats marocains typiques et exquis. Nous avons dégusté la tagine de légumes, de poulet ou d’agneau et le fameux couscous bien assaisonné de Ras el hanout. Beaucoup de salades étaient au menu aussi, avec maïs, concombres, tomates, fromage, boulettes de poisson et de succulentes sardines d’Agadir agrémentées de câpres et de citrons confits. Le tout se terminait par du melon ou des rondelles d’oranges saupoudrées de cannelle. Tous les soirs une soupe aux pois chiches ou lentilles nous était servie. C’est que la soupe et le thé sucré à la menthe réhydratent et gardent la température du corps. On ne s’en serait pas passé! En matinée, un mélange de fruits secs, noix, cacahuètes sucrées, petits biscuits au sésame, figues et dattes comblait une petit faim. Un régal! La soirée se terminait par une tisane verveine dégustée avec nos chameliers berbères qui chantaient des mélodies sahraouies (des habitants du désert saharien) en s’accompagnant d’un tambourin couvert de peau de chèvre.

Une traversée du désert nous sort inéluctablement de notre zone de confort. Et le soir, ampoules aux pieds, sourire aux lèvres, emmitouflé dans notre duvet sur un lit de sable, la voie lactée s’offre à nos yeux et notre cœur ébahis. À faire au moins une fois dans sa vie. Inch Allah! (Si Dieu le veut!)

Encadrés : Villages incontournables de la vallée du Drâa

Ouerzazate

« La porte du désert » : lieu de passage quasi obligatoire entre montagne et désert, fondé en 1928. Village connu pour ses studios de cinéma sur 30 acres de désert. On y a tourné (film au complet ou partiellement) : Ali Baba et les quarante voleurs, Lawrence d’Arabie, Gladiator, Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre, Un thé au Sahara, etc.

Zagora

Ville d’où partaient les caravanes pour Tombouctou jusqu’au 20ème siècle comme en témoigne le panneau « Tombouctou 52 jours ». Point de départ de nombreux treks, excursions et méharées vers le désert, ce village a été fondé par des nomades au début du XVII siècle.

Tamegroute

Village creusé dans la roche qui doit sa célébrité à son importante zaouïa et la première bibliothèque du désert. Elle fut fondée au XVIIe siècle par Sidi Mohammed Ben Nacer, un voyageur érudit et rassemble 4 000 ouvrages de mathématique, astrologie, religion, littérature, couverts d’enluminures (indigo, safran, henné) et de calligraphies et dont le plus ancien date du XIe siècle écrit sur une peau de gazelle. La ville est aussi reconnue pour sa poterie, qui est verte.

Ouled Driss

Village à l’architecture authentique, avec ses longues tours défensives et ses petites ruelles couvertes. La plus ancienne maison du village, une de ces grandes demeures berbères a été transformé en Musée des Arts et traditions qui renferme des objets anciens témoignant des coutumes et activités des habitants de la vallée du Drâa.

Repères :

La vallée du Drâa est située entre les dernières montagnes du Saghro, le dernier massif montagneux avant les grandes étendues du désert saharien et le Sahara. Ce trek de 5 jours, 4 nuits, se déroule entre petites oasis et massifs de dunes sur la partie Est de l’oued Drâa. Pour se rendre dans la Vallée, l’idéal est de partir de Marrakech. La compagnie Royal Air Maroc offre des vols quotidiens en hiver et 12 vols semaine en saison estivale avec escale à Casablanca. Le prix moyen est de 950$. Heures de vol : Montréal/Casa, 6h30 et Casablanca/Marrakech, 50 minutes.

www.royalairmaroc.com

 Agence :

L’agence Karavaniers de Montréal offre ce circuit nommé :

« Oued Drâa, la rivière sans fin »

Durée totale: 9 jours / de octobre à avril / à partir de 900.00$

Envie de goûter à fond à cette aventure?

À l’occasion de ses 20 ans, Karavaniers organise en novembre 2018 un trek spécial. L’agence invite une centaine de voyageurs à vivre l’expérience et à se joindre à une authentique méharée, accompagnée de nomades chameliers de la tribu des Nouaji, dont les ancêtres accompagnaient les grandes caravanes de jadis. « Une méharée comme avant, où nous essaierons de coller à cette réalité d’antan ». Une occasion à ne pas manquer!

Pour plus d’infos :

www.karavaniers.com

 

 

 

Vous pourriez aussi aimer

Sans commentaires

Laisser un commentaire